« Gratuité », « don », voilà des mots qui parlent. Mais que leur fait-on dire ? Pour les plus cyniques, on entendra « assistanat, fainéantise, stupidité ». Pour les plus désillusionnés, on aura : « utopie, rêve, naïveté». Dans des sociétés associant par habitude la notion de valeur à une monnaie, tout échange qui ne met pas en jeu de l’argent est considéré comme dépourvu de sens. Et même en évacuant le concept d’argent, toute chose semble devoir être gagner au mérite ou échanger contre une autre d’égale valeur. Et si on réconciliait gratuité, don et création de valeur ? Et si on déplaçait la notion même de valeur vers une définition simple : le plaisir de répondre à un besoin, le besoin de répondre à un plaisir. C’est ce qu’a permis de réaliser un projet : la GratiFouilla, un marché gratuit organisé à Saint-Etienne. Julien Grataloup, l’un des organisateurs de ce projet alternatif, revient avec nous sur cet évènement et sur la portée d’une telle initiative.
Le concept de marché gratuit
culture-alternative : quelle est la source d’inspiration d’une telle initiative ?
Cette initiative part d’abord d’un groupe de personnes qui, lors d’une réunion ont décidés de monter une action ponctuelle. Lors d’une réunion du groupe des « Colibris », cette idée a émergée et un petit groupe porteur du projet s’est lancé dans cette initiative.
culture-alternative : organiser avec quel collectif ? Où ?
Organisé en lien et très soutenu par Les Colibris, la première édition s’est déroulée sur une place publique ouverte. Le principe était d’être visible, accessible à tous et dans une ambiance détente.
La seconde édition s’est déroulée a la Bourse du Travail, un lieu couvert beaucoup plus central et reconnu dans la cité par les habitant. Ce lieu a été choisi du fait des partenariats construits ensemble, mais aussi de par sa symbolique, lieu des syndicats etc.
Le « prix » du gratuit
culture-alternative : quels problèmes as-tu rencontré ? Et quelle attitude as-tu adopté ?
Nous avons rencontre des problèmes de gestion sur place, des personnes qui se jetaient sur les objets mis à disposition, problèmes de communication entre les gens présents, etc.
En tant que bénévoles de l’événement l’attitude la plus importante est d’être dans une position de non-jugement : les gens qui prennent plus que d’autres ont peut-être plus de besoins. La question du besoin que renvoie ce genre d’événement est capital, mais très difficile a médiatiser. L’enjeu principal de cet événement est d’avoir un aperçu du gratuit libre échange et tout cela dans une ambiance chaleureuse et conviviale.
culture-alternative : Avec le recul, quelles solutions te paraissent pertinentes pour éviter ces problèmes?
L’événement étant a considérer comme une fête, la mise en place d’animations supplémentaires (musique) facilite l’ambiance de la GratiFouilla. De même que davantage de médiation et peut être des systèmes dépôt/mis en place des objets sur les différents stands pourraient permettre d’éviter ce genre de dérives.
Le sens du gratuit
culture-alternative : quel est pour toi le sens et la portée du gratuit ?
Dans la société actuelle dans laquelle nous vivons, il est très difficile d’aborder la question du gratuit de manière sereine. Le gratuit peut nous renvoyer quelque chose de sale, de mauvaise qualité quand on pense aux objets. Il y a aussi la question des théories tel que celle du contre-don qui vient mettre un frein a sa relation au gratuit.
C’est pour cela qu’il nous semblait capital d’aborder la question du gratuit d’un point de vue écologique : réutiliser les objets qui n’ont plus d’utilité chez quelqu’un mais aussi du point de vue de la fête : on vient, on donne, on prend, les deux ou pas, et on passe du bon temps ensemble.
Dans ces différents cadre, on a mis en place une « Disco Soupe » durant tout l’événement qui a permis à tout un chacun de fêter avec de la nourriture gratuite et partagée.