
La culture de l’alternative s’est diffusée au sein de la société civile. Dans son livre, Un million de révolutions tranquilles, Bénédicte Manier en fait le constat et recense avec brio la diversité des initiatives engagées partout dans le monde. Mais d’où vient ce sens viscéral de l’action ? Cet inventaire des solutions alternatives est précieux par la somme d’informations qu’il dispense et par le recul que ces informations permettent de prendre. C’est grâce à cette distance, à cette vision globale des initiatives, que l’on peut observer 3 grands principes pilotant l’avènement et la montée en puissance des « révolutions tranquilles ».
Le sens de la collaboration
Bénédicte Manier met l’accent sur le fait que la société actuelle est animée par un besoin irrépressible de coopération : « L’ère du collaboratif a finalement mis en lumière deux réalités : les compétences croissantes de la société civile et la puissance de l’action collaborative ». Cette citation est une variante concrète de l’adage « l’union fait la force » qui souligne les qualifications et l’efficacité de la société civile dans son processus de mutualisation de connaissances et savoir-faire.
En ce qui concerne les « compétences croissantes », Bénédicte Manier prend l’exemple des sciences collaboratives. Ce sont des programmes reposant sur un système horizontal de partage des connaissances, se substituant ainsi à une logique verticale professeur-élève. Ils permettent à des citoyens de découvrir de façon active les sciences :
- Ils peuvent se voir déléguer des tâches de saisie et d’analyse de données
- Ils peuvent partager sur le terrain le quotidien des scientifiques en les accompagnant sur des sites de recherches
Quant à la « puissance de l’action collaborative », elle constitue une réalité qui prend plusieurs formes :
Contre-pouvoir citoyen à travers les observatoires collectifs qui s’engagent à surveiller de près les dérives potentielles de certains acteurs mondiaux :
- Les multinationales
- Les grands groupes influents dans la recherche scientifique
Economie parallèle à travers le développement de l’open source. Ce système composé d’alternatives gratuites investit tous les domaines :
- L’informatique : software, fournisseur d’accès à Internet
- Les nouvelles technologies : imprimante 3D, satellites, drones
- Les énergies renouvelables : éolienne, panneaux solaires
- Les objets du quotidien : automobile, maison, mobilier
Le participatif et le collaboratif reviennent en force comme une nécessité fondamentale pour la société actuelle. Ce sens de la coopération va de paire avec un sens de l’action.
Le sens de l’action
Bénédicte Manier met en exergue le fait que la vitalité des initiatives alternatives est portée par une « génération de makers » : « A lui seul, le monde des makers rassemble toutes les caractéristiques des innovations citoyennes ». Les makers sont ceux qui n’hésitent pas à passer à l’action en faisant preuve de créativité et d’audace. Ils osent tester, expérimenter car ils sont animés par des principes de non-consumérisme et d’autonomie matérielle. En ce sens, les fab lab jouent un rôle incontournable. Ils se définissent comme des laboratoires ouverts au public (étudiants, artistes, bricoleurs, curieux) et équipés de machines que l’on peut apprendre à utiliser. Ils constituent des lieux d’expression privilégiés du Do It Yourself et du « Do It Together » à plusieurs niveaux :
- Ce sont des ateliers expérimentaux pertinents afin d’apprendre à fabriquer tout ce dont un être humain a besoin pour vivre en toute indépendance.
- Ce sont des lieux de brassage uniques entre technologie et savoirs concrets, traditions.
La société civile est prête à mutualiser la diversité des connaissances qui la compose et a passer à l’application concrète de ces savoirs pour atteindre l’autonomie aussi bien à l’échelle individuelle que collective (quartiers, villes). Le dernier principe qui préside au développement exponentiel des « révolutions tranquilles » est l’envie de faire perdurer cet état d’esprit à travers l’éducation.
Le sens de la transmission
Et si la collaboration et l’action dans la recherche de solution alternatives devenait une thématique indispensable de l’éducation ? Bénédicte Manier montre que des visionnaires avisés comme Sanjit Roy se sont posés cette question. Il y a répondu en fondant le Barefoot College, un centre d’éducation populaire ou sont inculquées les bases de connaissances dans une diversité de domaines : santé, habitat, énergies, bâtiment, informatique, comptabilité, ingénierie…
L’objectif est toujours lié à la recherche d’autonomie et d’autosuffisance. La transmission des savoirs s’effectue dans un cadre où tout le monde est à la fois « élève et enseignant ». Chacun est en droit d’apporter sa contribution en fonction de son domaine de pratique.
Ce centre est notamment porteur de nombreuses alternatives techniques ingénieuses :
- Autosuffisance en eau par le captage des eaux de pluies sur le toit et stockage en sol
- Autosuffisance alimentaire par la micro-irrigation d’un potager